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Traduit par CM
L'histoire du Rite Écossais
Les Hauts Grades avant 1801La Maçonnerie spéculative et la naissance des « hauts degrés »
Le 24 juin 1717, quatre loges londoniennes se réunirent à l’auberge Goose and Gridiron et institutionnalisèrent la Franc-maçonnerie spéculative en fondant la Première Grande Loge d’Angleterre, élisant leur premier Grand Maître. Bien que le procès-verbal original ait été perdu, le révérend James Anderson en reconstitua le récit dans ses Nouvelles Constitutions (1738) :
*« Ainsi, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, en la 3e année du règne du roi George Ier (1717), l’Assemblée et le Festin des Francs-maçons acceptés se tinrent dans ladite auberge du Goose and Gridiron. Avant le dîner, le plus ancien Maître Maçon (alors Maître d’une Loge), présidant, proposa une liste de candidats appropriés ; et les Frères, à la majorité des voix, élurent M. Anthony Sayer, Gentilhomme, Grand Maître des Maçons… »*
À cette époque, la Franc-maçonnerie ne connaissait encore que deux degrés : Apprenti Entré et Compagnon. Le manuscrit d’Édimbourg Register House Ms (1696) évoque les « points de fellowship » (fraternité) liés au grade de Compagnon, qui recevait deux mots tirés des Rois 7:21 et Chroniques 3:17. Cependant, d’autres documents suggèrent l’existence d’une distinction supérieure, réservée aux Maîtres (Compagnons confirmés), bien avant la création de la Grande Loge.
Le Sloane Ms 3329 décrit notamment « la poignée de main du Maître », associée à une étreinte rituelle :
« Leur poignée de Maître consiste à saisir la main droite l’un de l’autre, en plaçant les ongles des quatre doigts fermement sur le carpe (poignet), tandis que les ongles des pouces s’enfoncent entre la deuxième articulation du pouce et la troisième de l’index. Certains affirment que la poignée du Maître est la même, sauf que le doigt du milieu doit s’élever d’un pouce (ou trois grains d’orge) pour toucher une veine remontant vers le cœur. »
Ces éléments montrent que, dès les débuts de la Maçonnerie spéculative, des rituels secrets et des grades d’honneur existaient au-delà des deux degrés initiaux, posant les bases des futurs hauts grades qui se structureront plus tard dans le Rite Écossais Ancien et Accepté.
Une transformation remarquable : la naissance du grade de Maître Maçon
Quelques années plus tard, une évolution majeure survint lorsqu'une partie du rituel ésotérique réservé aux Compagnons expérimentés fut isolée pour donner naissance au premier « haut grade » : celui de Maître Maçon. Dès novembre 1725, un nouveau degré intermédiaire entre l'« Acceptation » (Compagnon) et la « Partie du Maître » était attesté. Ainsi, le 12 mai 1725, seulement huit ans après la création de la première Grande Loge, le Frère Charles Cotton reçut ce grade innovant.
Les auteurs de ce rituel restent inconnus, tout comme le processus exact de sa formation. Cependant, on peut le comparer à l’émergence du grade virtuel de « Past Master » (aujourd’hui intégré au Rite York américain), issu de l’installation discrète des Maîtres de Loge. Ce cérémonial, toujours pratiqué dans de nombreuses juridictions, confère des « secrets du siège » réservés aux anciens présidents. De même, les privilèges des Maîtres Maçons (Compagnons confirmés) auraient pu être formalisés en un grade distinct, jetant les bases de la hiérarchie maçonnique moderne.
Les Hauts Grades et les « Loges de Maçons Écossais »
La création du grade de Maître Maçon marqua le début d’une expansion rapide des hauts grades, presque aussi anciens que la Maçonnerie spéculative elle-même. Dès 1733, un manuscrit du Dr. Richard Rawlinson mentionne une « Loge des Maçons Écossais », et en 1734, une liste imprimée de corps maçonniques y fait à nouveau référence.
Les termes « Scotts », « Scotch » ou « Scottish » désignaient alors une pratique maçonnique spécifique, non une origine nationale. Entre 1733 et 1740, le grade de « Scotch Master Mason » était conféré à des Maîtres Maçons ordinaires. Par exemple, le 18 juillet 1740, la Loge du Rummer à Bristol décida :
« Ordonné et convenu que les Frères Thomson, Watts et tout autre membre déjà Maître Maçon puissent être faits Maîtres Maçons Écossais… »
Dès 1734-1735, d’autres degrés apparurent, comme le « Maçon Excellent » et le « Grand Maçon ». Ces grades « écossais » sont les ancêtres directs du Rite Écossais Ancien et Accepté, tant par leur nom que par leur tradition. Ils constituent la deuxième plus ancienne forme de hauts grades, précédant même l’Arche Royale.
L’essor des Hauts Grades en France : Stephen Morin et l’Ordre du Secret Royal
Si les hauts grades sont nés en Grande-Bretagne, c’est en France qu’ils s’épanouirent. En 1732, la Loge L’Anglaise fut fondée à Bordeaux, sous l’égide de la Grande Loge d’Angleterre. Une de ses filiales, La Française, se spécialisa dans les hauts grades (ou hauts grades), alors en vogue. En 1743, elle donna naissance à la Loge Parfaite Harmonie, cofondée par Étienne (Stephen) Morin, figure clé de l’histoire des hauts grades.
L’ouvrage Le Parfait Maçon (1744) joua un rôle déterminant en révélant le « Secret des Maçons Écossais », préfigurant les thèmes des 15° (Chevalier d’Orient) et 16° (Prince de Jérusalem) du futur Rite Écossais. Morin, plus tard, diffusa ces grades aux Amériques via l’Ordre du Secret Royal, posant les fondations des systèmes maçonniques continentaux.
Ainsi, en quelques décennies, la Maçonnerie passa de deux degrés à une structure complexe, mêlant traditions britanniques, innovations françaises et légendes écossaises – une alchimie qui donna naissance au Rite Écossais Ancien et Accepté.
Les Hauts Grades Maçonniques et la Tradition Écossaise
On dit parmi les Maçons qu'il existe plusieurs degrés au-dessus de celui de Maître, dont je viens de parler ; certains en comptent six au total, d'autres vont jusqu'à sept. Ceux que l'on appelle Maçons Écossais affirment qu'ils constituent le quatrième grade. Comme cette Maçonnerie, différente des autres à bien des égards, commence à se faire connaître en France, le Public ne sera pas fâché si je rapporte ce que j'en ai lu... ce qui semble accorder aux Écossais une certaine supériorité sur les Apprentis, les Compagnons et les Maîtres ordinaires.
Au lieu de pleurer sur les ruines du Temple de Salomon, comme le font leurs Frères, les Écossais se consacrent à sa reconstruction. On sait qu'après soixante-dix ans de captivité à Babylone, le grand Cyrus permit aux Israélites de rebâtir le Temple et la ville de Jérusalem ; que Zorobabel, de la maison de David, fut désigné par lui [Cyrus] comme chef et guide du peuple pour son retour à la Ville Sainte ; que la première pierre du Temple fut posée sous le règne de Cyrus, mais que l'ouvrage ne fut achevé que la sixième année du règne de Darius, roi des Perses.
C'est de cet événement capital que les Écossais font dériver l'époque de leur institution, et bien qu'ils soient postérieurs aux autres Maçons de plusieurs siècles, ils se considèrent comme appartenant à un grade supérieur.
L'Expansion des Hauts Grades : Morin et l'Ordre du Secret Royal
À cette époque, les bastions de la Maçonnerie française se trouvaient à Bordeaux et Paris. Le 27 août 1761, la Grande Loge de Paris (dite Grande et Souveraine Loge de Saint-Jean de Jérusalem), en collaboration avec un corps des hauts grades (le Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, Souveraine Mère Loge Écossaise), délivra à Étienne (Stephen) Morin une patente de Grand Inspecteur, l’autorisant à « établir la Maçonnerie parfaite et sublime en toutes parties du monde ».
Vers 1763, Morin organisa et diffusa un rite maçonnique de 25 degrés, qu'il nomma l’Ordre du Secret Royal ou Ordre des Princes du Secret Royal (parfois improprement appelé Rite de Perfection). Cet ordre intégrait plusieurs des degrés les plus en vogue à l’époque. Bien qu’on ait longtemps cru que le Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident en était l’instigateur, des recherches récentes suggèrent que Morin en fut l’unique architecte. Il aurait même, pour renforcer son autorité, antidaté des documents connus sous le nom de Constitutions et Règlements de 1762 – une supercherie qui ne fut découverte que 220 ans plus tard.
L'Implantation en Amérique : Francken, Hays et la Transmission des Hauts Grades
Vers 1763, Morin introduisit l’Ordre du Secret Royal à Kingston, en Jamaïque, et dès 1764, les hauts grades atteignirent l’Amérique du Nord, avec leur établissement à La Nouvelle-Orléans. Peu après, Morin confia à Henry Andrew Francken, un Maçon hollandais zélé, la mission d’implanter des loges dans le Nouveau Monde, y compris aux États-Unis.
Francken s’installa à New York et, en 1767, commença à conférer les hauts grades à Albany. Heureusement, il prit soin de transcrire plusieurs manuscrits des rituels de l’Ordre du Secret Royal, dont certains subsistent encore aujourd’hui sous le nom de Manuscrits Francken.
Le 6 décembre 1768, Francken nomma Moses Michael Hays (d’origine hollandaise) Inspecteur Général Adjoint du Rite pour les Antilles et l’Amérique du Nord. La patente de Hays lui donnait autorité pour conférer tous les degrés de l’Ordre de Morin. Après un retour de Francken en Jamaïque (1769), Hays s’installa à Newport, Rhode Island (1780), puis se rendit à Philadelphie en 1781. Là, il désigna huit Frères comme Inspecteurs Généraux Adjoints pour différents États américains – à l’exception de Samuel Myers, chargé des Îles Sous-le-Vent (Caraïbes).
Parmi eux, Barend Moses Spitzer, installé à Charleston (Caroline du Sud) de 1770 à 1781, fut nommé pour la Géorgie avant de revenir à Charleston vers 1788. Le 2 avril 1795, Spitzer intronisa à son tour John Mitchell (d’origine irlandaise, alors résidant à Charleston) comme Inspecteur Général Adjoint. Ce dernier, ancien Quartier-Maître Général adjoint de l’Armée continentale, était un proche de George Washington.
La Naissance du Rite Écossais Moderne
Ce réseau de transmission – de Morin à Francken, puis à Hays et ses successeurs – jeta les bases de ce qui deviendra le Rite Écossais Ancien et Accepté. Les Manuscrits Francken et les patentes délivrées en Amérique permirent de préserver une tradition qui, enrichie au fil des siècles, structure encore aujourd’hui la Maçonnerie des hauts grades.
Ainsi, des loges écossaises du XVIIIe siècle aux ateliers américains, l’histoire des degrés supérieurs illustre la continuité d’un enseignement ésotérique, où légende et histoire s’entremêlent pour forger l’identité de la Franc-Maçonnerie moderne.
Les Hauts Grades après 1801 : Naissance du Rite Écossais
La Fondation du Suprême Conseil à Charleston (31 mai 1801)
Le 24 mai 1801, John Mitchell nomma le Révérend Frederick Dalcho (un Prussien né à Londres) Inspecteur Général Adjoint de l’Ordre du Secret Royal. Une semaine plus tard, le 31 mai, le « Suprême Conseil du 33e Degré pour les États-Unis d’Amérique » fut solennellement inauguré à Charleston, Caroline du Sud, sous la présidence du Colonel Mitchell et du Révérend Dalcho, conformément aux Grandes Constitutions.
Ce nouveau système, supérieur à l’Ordre du Secret Royal de Morin, administrait 33 degrés, intégrant les 25 degrés du rite précédent. Son autorité traditionnelle repose sur les « Grandes Constitutions de 1786 », attribuées à Frédéric II de Prusse (dit « le Grand »). La plus ancienne copie connue, rédigée de la main de Dalcho vers 1801-1802, porte le titre :
« Constitution, Statuts, Règlements, etc., pour le gouvernement du Suprême Conseil des Inspecteurs Généraux du 33e Degré et de tous les Conseils sous leur juridiction. »
Le Manifeste de 1802 (premier document imprimé du Suprême Conseil) affirmait que Frédéric le Grand en avait inspiré la création :
« Le 1er mai 5786 [1786], la Grande Constitution du 33e Degré, dite du Suprême Conseil des Souverains Grands Inspecteurs Généraux, fut ratifiée par Sa Majesté le Roi de Prusse, qui, en tant que Grand Commandeur de l’Ordre des Princes du Secret Royal, détenait le pouvoir maçonnique suprême sur toute la Fraternité. »
Bien que les historiens modernes considèrent ces Constitutions comme symboliques plutôt qu’historiques, leur adoption forma la base légale du Rite, à l’instar des Anciens Devoirs pour la Maçonnerie bleue.
Autorité et Structure du Premier Suprême Conseil
Le « Suprême Conseil de Charleston », premier au monde, existe toujours sous le nom de Suprême Conseil, 33e Degré, Juridiction Sud. Si son siège originel resta à Charleston jusqu’en 1870, il fut ensuite transféré à Washington, D.C., où il siège aujourd’hui au House of the Temple.
Initialement, le Suprême Conseil ne gouvernait directement que les degrés au-delà du 16e (Prince de Jérusalem), laissant aux Grandes Loges de Perfection (4e–14e) et aux Grands Conseils de Princes de Jérusalem (15e–16e) une autonomie administrative. Comme l’expliquent les Grandes Constitutions :
« Le pouvoir du Suprême Conseil n’interfère pas avec les degrés inférieurs au 17e [Chevalier d’Orient et d’Occident]. Mais tous les Conseils et Loges de Maçons Parfaits doivent les reconnaître comme Inspecteurs Généraux. »
Ce n’est qu’après la renaissance maçonnique des années 1840 (suite à l’« Affaire Morgan ») que le Suprême Conseil étendit son contrôle à tous les degrés (4e–32e).
L’Expansion Internationale : De Grasse-Tilly et le Rite Écossais Ancien et Accepté
En 1804, Alexandre-Auguste de Grasse-Tilly, membre du Suprême Conseil de Charleston, fonda un Suprême Conseil pour la France. Un accord avec le Grand Orient de France officialisa pour la première fois le titre de « Rite Écossais Ancien et Accepté » (REAA).
Sous l’impulsion d’Albert Pike (Grand Commandeur à partir de 1859), ce nom se généralisa dans la Juridiction Sud, unifiant la pratique des hauts grades à travers le monde.
Une Fondation entre Histoire et Tradition
Comme les légendes de Salomon ou d’Hiram, les origines du Rite Écossais mêlent réalité historique et récits symboliques. Qu’elles aient été inspirées par Frédéric le Grand ou formalisées par Morin et Dalcho, ces Constitutions ont donné naissance à l’un des rites maçonniques les plus influents, perpétuant une quête spirituelle et philosophique initiée il y a plus de deux siècles.
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